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Syndrome de Minor : une maladie pas si rare que ça ? Retranscription de la conférence du Dr Gianoli au congrès SFORL-WCA 2024

  • Asso
  • 23 févr.
  • 10 min de lecture

Dernière mise à jour : 2 mars


Le congrès de la Société Française ORL (SFORL) et le World Congress of Audiology (WCA) ont eu lieu à Paris du 19 au 21 septembre 2024. L'association Syndrome de Minor ou syndrome de déhiscence du canal semi-circulaire supérieur était invitée. L'occasion d'assister à de passionnantes conférences.


Le Dr Gianoli a très gentiment accepté que nous vous diffusions un extrait de la retranscription de sa conférence, intitulée : “De la déhiscence du canal semi-circulaire supérieur au concept de la troisième fenêtre mobile de la capsule otique.”


Au sommaire :

  1. Le Dr Gianoli, pionnier du Syndrome de Minor

  2. Le Syndrome de Minor : une maladie pas si rare !

  3. De la déhiscence du canal semi-circulaire supérieur au concept de la troisième fenêtre mobile de la capsule otique.


On vous prévient : Le troisième chapitre est clairement moins accessible, ça reste une conférence adressée à des médecins. Néanmoins, si l'on s'accroche, alors on commence à comprendre davantage ce principe de "troisième fenêtre mobile" dont on parle tant actuellement.


Et pour tout vous dire, initialement sa conférence démarre par son expérience (le chapitre 1), enchaîne sur la partie "troisième fenêtre mobile" (chapitre 3 ici) qui est le coeur de son intervention et se termine par la question de la fréquence des déhiscences (le chapitre 2).

Mais nous avions peur de vous perdre en route ;)


Bonne lecture !



Andrea CASTELLUCCI (Italy), Eugène IONESCU (France), Soumit DASGUPTA (UK), Gerard J GIANOLI (USA), Vincent DARROUZET (France) - WCA 2024
De gauche à droite, les Docteurs et Professeurs : Andrea CASTELLUCCI (Italy), Eugène IONESCU (France), Soumit DASGUPTA (UK), Gerard J GIANOLI (USA), Vincent DARROUZET (France) - WCA 2024

Retranscription de la conférence de Dr Gianoli


  1. Le Dr Gianoli, un pionnier de la découverte du Syndrome de Minor


"Ma première opération de déhiscence du canal supérieur a eu lieu en janvier 1998 (...) depuis lors, j'ai effectué plus de 600 opérations de déhiscence du canal supérieur, ce qui peut sembler beaucoup, mais ce n'est qu'environ 25 par an.

J'ai pris en charge médicalement de nombreuses personnes au-delà de ces 600 opérations et d'autres déhiscences de la capsule otique.


Livre du Dr Gianoli sur le syndrome de la troisième fenêtre mobile

Comment cela a-t-il commencé ? Vous pouvez vous référer à  notre livre, publié récemment avec Philippa Thomson, qui est en fait une de mes patientes, elle devait être ici aujourd'hui mais a eu des problèmes personnels.


J'ai commencé par les fistules périlymphatiques et j'ai eu beaucoup de succès en pratiquant ces opérations : les patients ne ressentaient plus de vertiges, mais ensuite, ils revenaient à leur situation initiale. Cela m'a amené à penser qu'il y avait probablement une connexion anormale entre la capsule otique et le crâne où la pression intracrânienne était transmise pour recréer une fistule périlymphatique.


Pendant plusieurs années, j'ai cherché à savoir où se trouvait cette connexion. Je ne peux pas dire que je suis le seul à avoir suivi cette voie, le Dr Minor a pensé à la même chose, il s'est concentré sur l'aqueduc cochléaire, pensant que les grands aqueducs cochléaires en étaient la source. Il en a bouché un et a obtenu son premier succès. Il s'agissait d'un patient présentant une fuite de LCR au niveau de la capsule otique. Il a également réalisé une série de shunts ventriculo-péritonéal pour contrôler la pression intracrânienne, ce qui a permis d'améliorer le syndrome de la fistule chez ces patients.


En janvier 1998, un patient s'est présenté à moi avec des vertiges, des étourdissements et une perte d'audition. Je lui ai fait passer un scanner à cause d'une perte d'audition de transmission. Le patient avait un encéphalocèle au-dessus des osselets. Cela explique la surdité de transmission. Ensuite, j'ai vu que le canal supérieur n'était pas recouvert d'os. Au début, je me suis dit qu'il devait s'agir d'un artefact (d'imagerie), que ça ne pouvait pas être vrai, parce que ça n'existe pas ! Et je me suis dit, bon, peut-être que je vais voir, parce que je vais effectuer une craniotomie de la fosse moyenne sur ce patient et réparer l’encéphalocèle, voir et comprendre ce qui se passe. (...) quand j'ai vu la déhiscence, je l'ai réparée. La perte auditive s'est améliorée, les vertiges et les étourdissements ont disparu ! Je me suis dit « oh mon Dieu, je viens de trouver le lien, ce doit être ça !” Deux mois plus tard, le Dr Lloyd Minor publiait son premier article sur le syndrome de déhiscence du canal supérieur (...), il a proposé une théorie de la troisième fenêtre que nous connaissons tous.


L'année suivante, j'ai publié les résultats de mes trois patients suivants. (...) 

Le premier avait été diagnostiqué comme souffrant de la maladie de Ménière. Il avait subi une section du nerf vestibulaire d'un côté, et il avait des problèmes de l'autre côté. Sur le scanner, il présentait une déhiscence du canal supérieur importante, j'ai donc réparé le côté restant et il s'en est sorti de façon fabuleuse.

Le deuxième cas est celui d'un patient qui souffrait de VPPB récurrents, mais qui avait également des vertiges à chaque fois qu'il portait une cravate trop serrée, ainsi que des vertiges causés par différents types de sons. Bien sûr, il avait une autre déhiscence du canal supérieur.

À ce moment-là, en 1999, je connaissais des patients atteints de déhiscence du canal supérieur qui ne présentaient aucun symptôme, mais je les ai réparées elles aussi.


Par conséquent, je suis devenu beaucoup plus actif dans la recherche d'une déhiscence du canal supérieur chez toute personne présentant un test de fistule positif ou un test de Hennebert, des vertiges induits par de la pression ou des sons ; je faisais des tomodensitogrammes et je trouvais un grand nombre de cas.


  1. Le syndrome de Minor : Une maladie pas si rare que ça !



Slide du Dr Gianoli - WCA 2024
WCA 2024 - Dr Gianoli

Je voudrais parler un peu de l'incidence du syndrome de la troisième fenêtre mobile. Deux études ont été menées par les laboratoires John Hopkins et (...) sur plus de 1000 os temporaux sélectionnés. Ils ont trouvé une déhiscence du canal semi-circulaire supérieur dans 0,5 % des os temporaux. Ils ont trouvé un canal supérieur mince dans 1,5 % - mince qu'ils décrivent comme étant inférieur à 0,11 mm, c'est, pour vous donner une référence, plus mince qu'une feuille de papier. Et c'est beaucoup plus fin que les 0,5 mm ou moins qui sont considérés comme une quasi-déhiscence.


Ainsi, 2 % de la population est exposée à un risque élevé de déhiscence du canal supérieur. 


Il y a ensuite les déhiscences cochléo-faciales (0,6 %).

L'os cochléaire facial est mince dans 5 % des cas, et il est inférieur à 0,3 mm, ce qui est extrêmement mince. 

Si l'on fait le total : les os minces et les déhiscences... cela représente 7,6 % de la population.

Si 7,6 % de la population générale présente ces deux types de déhiscences, que se passe-t-il si l'on ajoute toutes les autres déhiscences ? La déhiscence du canal postérieur, les autres déhiscences, le grand aqueduc vestibulaire, la déhiscence cochléaire elle-même, c'est certainement plus élevé que cela.

Et si l'on considère uniquement la population souffrant de vertiges chroniques, je dirais que techniquement, un tiers de la population des vertigineux chroniques a une déhiscence.

Et pour votre information, il existe une définition légale d'une « maladie rare » : moins de 0,6% de la population aux États-Unis, moins de 0,5% de la population dans l'Union européenne. Et nous sommes beaucoup plus nombreux que cela dans le cas de la Déhiscence du Canal Semi-circulaire Supérieur, donc les troubles de la fenêtre mobile NE SONT PAS des maladies rares.



  1. De la déhiscence du canal semi-circulaire supérieur au concept de la troisième fenêtre mobile de la capsule otique


Je me suis penché sur la théorie de la troisième fenêtre mobile de Minor et j'ai pensé qu'elle expliquait beaucoup de choses. Elle explique le phénomène de Tullio sur le signe d’Hennebert (Nystagmus causé par la pression dans l’oreille, NDLT) , (...) la chute  dans la partie vestibulaire du labyrinthe, elle explique le vertige causé par la pression et elle explique également la perte auditive de transmission de l'oreille interne que nous avions l'habitude d'appeler ainsi. 


Mais il y a un certain nombre de choses qu'elle n'explique pas : 


Elle n'expliquait pas l’existence de patients asymptomatiques : pourquoi une personne atteinte d'une déhiscence du canal supérieur serait-elle symptomatique plutôt qu'asymptomatique ?

Je n'expliquais pas les longues crises de vertige qui durent des heures, des crises de type maladie de Ménière. Je n'expliquais que les petites crises courtes.

Elle n’expliquait pas que le patient avait une faiblesse vestibulaire de ce côté. 

Ou une perte auditive neurosensorielle.

Ou une perte auditive fluctuante.


Ce sont des choses que je verrais ensuite. Cette théorie n'explique pas non plus pourquoi le renforcement des fenêtres améliorait la situation de ces patients. Au contraire, le renforcement des fenêtres devrait aggraver les syndromes du troisième mobile ! Mais ce n'est pas le cas !


J'ai mis au point un système de classification ou de progression, comme j'aime à l'appeler ...


les 4 stades de la fenêtre mobile

Stade 1 : patients asymptomatiques. 

Stade 2, qui est celui décrit par le Dr Minor, lorsque nous parlons de petites crises de vertige, avec un syndrome induit par le son et la pression.

Stade 3 : syndrome de Ménière

Stade 4 : stade final



Stade 1 : patients asymptomatiques


Le premier stade est très facile à comprendre, il s'agit d'un patient atteint d'une Déhiscence du canal supérieur mais ne présentant aucun symptôme. Comme la personne dont j'ai parlé avec l’encéphalocèle. J'en ai rencontré un certain nombre. J'ai réparé certains d'entre eux pendant la chirurgie de l’encéphalocèle, d'autres ont découvert la déhiscence sur un scanner mais n'ont rien fait parce qu'ils étaient asymptomatiques. 

Une patiente intéressante était une fille de 10. ans qui avait un clastriatome congénital dans l'oreille gauche. Lorsque j’ai lu le scanner (...), j'ai constaté qu'elle avait une déhiscence du canal supérieur sur l'oreille opposée. J'ai expliqué aux parents : a-t-elle des vertiges, des étourdissements, quelque chose comme ça ? Oh non, rien de tel... 

« Un jour, elle en aura probablement.”

10 ans plus tard, elle se présente à mon bureau et me dit : « Vous m'aviez dit qu'un jour j'aurais des vertiges.”

(...)


Stade 2 : la présentation de type “syndrome de Minor (décrit par Minor)


Le stade 2 est le syndrome décrit par Minor et je pense qu'il y a des causes intracrâniennes qui augmentent la pression sur la dure-mère (méninges) recouvrant le défaut ainsi que les fenêtres rondes et ovales. 

Il en résulte un déplacement constant de l'oreille interne et c'est à ce moment-là que l'on observe le troisième syndrome de la fenêtre mobile tel que le Dr Minor l'a décrit : 


  • épisodes courts de vertige liés au son

  • réponse anormale au test Vemp ( PEO)

  • autres anomalies de pression lors des tests


Mais ils n'ont généralement pas de perte vestibulaire.


Stade 3 : le syndrome de Ménière


Cependant, lorsque la pression devient suffisamment élevée, ma théorie est  que la fenêtre ronde/ovale peut être rompue et que le patient souffre d'une fistule périlymphatique intermittente. Au fur et à mesure que le liquide se déplace dans l'oreille interne (...), les personnes concernées ont des épisodes de vertiges qui durent plusieurs heures. Cela ressemble beaucoup au syndrome de Ménière. Chez ces personnes, les tests de pression sont tous anormaux et on peut également observer une hypofonction calorique chez ces patients, ainsi qu'une perte auditive neurosensorielle, avec un ecog anormal. Et chez ces personnes, les tests Vemp peuvent être anormaux ou non.


Cela m'a amené à penser ceci : mon deuxième patient souffrait du syndrome de Ménière, je savais donc qu'il se passait quelque chose. Mais j'ai aussi eu quelques patients qui, après avoir été opérés, ont eu des scanners qui ressemblaient à ça (diapo hydrops). Ces patients avaient manifestement subi une intervention chirurgicale, leur canal supérieur avait été bien réparé et il n'y avait aucune chance que cela soit l’origine du problème, mais ils continuaient à avoir ces petites crises de vertige (...). Chez ces patients, j'ai renforcé les fenêtres ovales et rondes, ce qui a permis d'éliminer ces crises de vertige. J'ai également observé que certains de ces patients pouvaient bénéficier d'un renforcement de la fenêtre ronde tant que vous les empêchiez de faire des efforts, et que vous obteniez de bons résultats. Plus récemment, des études d’IRM ont montré que 23 à 80 % des patients atteints de déhiscence du canal supérieur présentaient un hydrops (endolymphatique) à l'IRM.


Je vais donc vous parler un peu plus en détail des PEO (ou VEMP test), et il y a une patiente en particulier qui m'a vraiment impressionné. Elle avait été testée trois fois sur une période de dix ans. Lors du premier test, elle présentait (...) des vertiges induits par le son et la pression de la déhiscence du canal semi circulaire supérieur, (...) et son seuil C-VEMP était de 65 db. Cinq ans plus tard, elle a subi un nouveau test avec (...)et un seuil C-VEMP de 85 db. Cinq ans plus tard, elle est à nouveau testée : (...) son seuil de C-Vemp est de 105 db. Et si vous l'aviez vue lors du troisième test, vous n'auriez probablement pas remarqué que tout cela était dû à la déhiscence du canal supérieur.

(...)


Stade 4 - stade final


Si, au stade 3, ils ont ces fistules périlymphatiques assez longtemps ou à un stade avancé, ils peuvent présenter une perte sévère de la fonction vestibulaire. Chez ces personnes, la fonction vestibulaire est parfois absente ! Ils ont également des tests de pression anormaux, déjà mentionnés. Et parfois, les symptômes de la perte vestibulaire non compensée peuvent l'emporter sur le reste du syndrome de la troisième fenêtre mobile. Beaucoup de ces personnes ont une perte vestibulaire non compensée (en apparence).


Pourquoi s'attendre à ce que le test Vemp (PEO) reste le même au fil du temps ? ( …)

Ce qui m'amène à critiquer le test des PEO (VEMP) en tant que test de dépistage de la maladie de Minor. Je pense que sa sensibilité est faible. Il a une valeur prédictive positive élevée, mais je ne l'utiliserais pas comme test de dépistage.

Je pense qu'un dépistage plus approprié est celui des tests de pression (test de Valsalva), test Tullio, le test de Hennbert (...).


Ensuite, lorsque j'ai commencé à pratiquer la chirurgie, il n'y avait que deux personnes qui pratiquaient la chirurgie de déhiscence du canal supérieur, moi-même et le Dr Minor. Par conséquent, un certain nombre de patients venaient me voir avec des symptômes de déhiscence du canal supérieur, mais ils n'avaient pas de déhiscence du Canal Supérieur. 

Nous avons donc commencé à chercher et il y avait d'autres endroits où nous avons trouvé des déhiscences.

Le Dr Ionescu (Lyon, FRANCE) a mis au point un système de classification pour la troisième fenêtre mobile, et je pense que c'est une excellente chose. Plus nous cherchons, plus nous trouvons de déhiscences et de sources pour ce problème, un système de classification aide à identifier les différences."




Avec nos sincères remerciements au Dr Gianoli pour avoir accepté que nous vous retranscrivions sa conférence.

Également, un grand merci à Marie, présidente de l'asso, pour sa retranscription et la traduction en français de cette conférence.


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©Association "Syndrome de Minor ou Syndrome de déhiscence du canal semi-circulaire supérieur".

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